Le pôle Sud aurait-il perdu le nord ?

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Vue de l’Antarctique – Au premier plan, le glacier, et au loin, la banquise – Photo ALEXANDRE FLOUTTARD

Jusque-là proportionnellement à l’abri des effets du réchauffement climatique, le pôle Sud semblerait en être atteint à son tour. Il a été observé au cours des derniers relevés la cassure brutale d’une partie considérable de sa banquise. Ce phénomène en Antarctique totalement inédit n’est pas sans inquiéter les climatologues.

En comparaison avec le Groenland qui voit sa superficie diminuer d’année en année, le pôle Sud, lui, demeurait relativement stable en connaissant même une légère croissance de l’étendue de sa banquise.

Or, en novembre dernier (mois correspondant au début du printemps en Antarctique), l’extension glaciaire s’est brusquement rompue passant ainsi de 16 millions de km2 à 14. Et cette énorme fissure qui est apparue dès le mois d’octobre 2016 à l’Ouest du continent s’est propagée très rapidement.

David Salas y Melia, chercheur au Centre National de Recherches Météorologiques de Météo France a déclaré lors d’une conférence de presse ayant eu lieu ce 24 mars dernier : « Elle progresse à la vitesse de 5 terrains de foot par jour et un gigantesque morceau menace de se détacher dans les mois qui viennent […] C’est un phénomène d’une ampleur inédite, provoqué en partie par des températures supérieures de 2 à 4°C au-dessus des normales de saison. Mais l’origine précise de ces températures si élevées est encore inconnue […] On est désormais curieux de voir comment la banquise va se réinstaller l’année prochaine, après cette rupture hors norme. »

En effet depuis les années 70, la banquise en Antarctique avait tendance à s’agrandir, en opposition au pôle Nord qui constate une fonte de sa banquise à une vitesse alarmante à cause du réchauffement climatique.

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« Cette légère extension de la surface des glaces constatée au Pôle Sud était sans doute imputable à trois facteurs », tel que l’explique le climatologue.

Le premier facteur naturel est dû à un faible mélange entre les eaux très froides liées au climat polaire et celles en profondeur légèrement plus chaudes. L’apport d’eau douce provenant de la fonte des glaciers de l’Antarctique dans l’océan affaiblit probablement ce brassage naturel.

Le second facteur naturel est en lien avec les vents violents qui poussent constamment les glaces de la banquise vers le large. Ils permettent l’amplification de cette dernière sur l’océan.

Le troisième facteur naturel est en rapport avec les eaux assez froides présentes dans le sud du Pacifique creusant un système de basse pression en mer d’Amundsen, à côté de l’Antarctique. Ce système génère des vents qui concourent à l’étendue de la couverture de glace.

Ne sachant pas encore si l’un de ces facteurs ou plusieurs auraient subi un changement quelconque dans leur processus, les scientifiques sont en cours de travaux. Et bien qu’ils soient acclimatés à la fluctuation de la surface de la banquise, selon les saisons, ils voient quelques signes inquiétants à ce décrochage.

Cependant, David Salas y Melia précise qu’en l’état actuel si la chute de la plaque devait se produire, elle n’aurait pas d’impact conséquent sur l’élévation des mers. : « Il faut 360 milliards de tonnes de glace environ pour que les eaux montent d’1 millimètre. […] Toutefois, cette zone qui est le prolongement marin de la calotte continentale constitue une sorte de bouchon de glace. S’il vient à céder, une partie de ce qui est en amont pourrait aussi glisser dans l’eau. »

Enfin, si cette singularité suscite autant d’intérêt, c’est que les scientifiques pensent de la contribution de l’Antarctique prévue par le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qu’elle a été sous-estimée.

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Et Erwan Lecomte qui a consacré un article sur ce sujet dans le magazine Sciences et Avenir rappelle la différence entre le pôle Nord et le pôle Sud : « Lorsque l’on parle des pôles de notre planète, il est facile de les imaginer comme deux endroits très similaires. Or, leur structure et leurs variations saisonnières sont très différentes. Le pôle Nord (Arctique) est constitué principalement de « banquise », c’est-à-dire d’eau de mer gelée, formant une croûte flottant à la surface de l’eau. C’est entre février et mars que la couverture de banquise y est maximale, atteignant 15 à 16 millions de km carrés à son apogée. En revanche, le pôle Sud de notre planète (Antarctique) est constitué d’un véritable continent (un plateau continental) recouvert d’un glacier (fait d’une accumulation de neige et donc d’eau relativement douce). L’épaisseur de la glace y est très importante puisqu’elle peut atteindre 4800 mètres. Lorsqu’ils se détachent parfois de la barrière de glace en périphérie du glacier, ils peuvent donner naissance aux fameux « icebergs » redoutés des navigateurs. Par ailleurs, de la banquise peut également se former sur l’océan au large du glacier lorsque la température est suffisamment basse pour que l’eau de mer de surface puisse geler. La banquise de l’Antarctique est saisonnière et fond pratiquement entièrement chaque année (passant de 20 à 3 millions de kilomètres carrés le mois de février) pour se reformer par la suite. »

Voilà une nouvelle sur la santé de notre planète…