Philippines : carnage d’État

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Les Philippines est un pays d’Asie du Sud-Est constitué d’un archipel de 7 107 îles, dont 11 d’entre elles représentent plus de 90 % de la superficie terrestre du pays et un peu plus de 2 000 sont seulement habitées. 2 400 îles n’ont même pas de nom.

Autre qu’une destination rêvée avec ses îles paradisiaques entourées d’une mer turquoise, c’est avant tout un pays où la majorité de sa population extrêmement pauvre est touchée par un véritable massacre. Entre trafiquants de drogue, consommateurs, police d’État qui a le permis de tuer, tueurs à gage, milices privées ou les gens eux-mêmes encouragés à tuer, la population tente de survivre à ce climat meurtrier depuis l’élection du Président Rodrigo Duterte au pouvoir le 9 mai dernier.

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Cette situation sordide a pu éclater en plein jour grâce à cette photo qui a fait le tour de la planète, où l’on voit une jeune femme serrée son fiancé abattu dans ses bras. Surnommée, la Pietà de Manille, dont certains y voyaient Marie serrant son fils Jésus dans ses bras, cette photo a ému le monde entier et a ainsi pu permettre de révéler l’actualité sanglante dans laquelle sont plongées les Philippines depuis quelques mois.

L’émission Envoyé spécial du 3 novembre dernier sur France 2 a relaté l’enfer du quotidien des Philippins littéralement pris en otage par un tyran.

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Envoyé spécial. Philippines : carnage d’État

Alors que le Président Rodrigo Duterte a pourtant été élu à une très large majorité par les citoyens afin de résoudre les problèmes de drogue et de criminalité qui sévissent dans le pays, les Philippins ne s’attendaient pas à cette politique de terreur.

En à peine 3 mois, le pays a entassé plus de 3 000 morts. Les cimetières se sont peu à peu transformés en immeubles d’appartements mortuaires. Plus de 250 décès sont à déplorer chaque semaine, soit plus de 35 par jour, dont la plupart dans la capitale Manille. Certaines nuits, les morts vont jusqu’à atteindre le nombre de 20 en l’espace de quelques heures.

Ce carnage est l’œuvre de la décision du Président Duterte, surnommé « The punisher » ou le Shérif de Manille. Il a lancé une effroyable chasse à la drogue jusqu’alors jamais vu afin de mettre un terme au trafic de chabou, la méthamphétamine locale qui envahit les rues du pays. Il a donné carte blanche aux forces de l’ordre pour tuer le maximum de dealers, mais surtout ses consommateurs, sans aucune impunité. Des tueurs à gage indépendants ainsi que des milices privées sont également payés par le gouvernement afin d’aider la police. Même les locaux sont invités à abattre sans scrupule tout citoyen soupçonné d’avoir un lien avec la drogue, comme l’atteste l’appel lancé au début de juin dernier par le Président : « Appelez-nous ou appelez la police, sinon faites-le vous-même si vous avez une arme, vous avez mon soutien. » Il a même été jusqu’à promettre des primes conséquentes par délinquant exécuté.

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Et cette décision de vouloir éradiquer coûte que coûte la drogue du pays va encore plus loin. Toute personne simplement suspectée de se livrer à la drogue, sans nulle preuve certifiée ni enquête établie au préalable, est abattue d’une balle en pleine tête, et cela même devant la famille, si ce n’est pas la famille elle-même qui est abattue avec en gage de prévention.

Le comble de l’atrocité. La famille présente sur les lieux de l’abattage de l’un des siens doit nettoyer le sang et les morceaux de cervelle à terre de ce dernier. Aussi, lorsqu’un suspect est abattu par des tueurs à gage, de connivence avec la police, sans que le moindre gramme de drogue ne soit trouvé sur lui, les tueurs glissent près du corps un sachet de drogue.

Ce décret de « l’Etat de non droit » décidé par le président Duterte a créé un terrible sentiment d’insécurité chez les habitants ainsi qu’une peur contagieuse.

Quant aux saisies de chabou, elles ont explosé. En revanche, au niveau prévention et soins, c’est zéro. Sur les 700 000 toxicomanes qui se sont livrés aux autorités, seulement 500 ont obtenu une place dans un centre de désintoxication.

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Les prisons se trouvent alors surchargées. Le reportage montre en exemple, une prison censée accueillir un maximum de 175 détenus a atteint le chiffre record de près de 1 300 prisonniers. Violeurs, criminels en tout genre, détenus en attente de leur procès, simples suspects dans une affaire de drogue ou consommateurs occasionnels dans la peur d’être pris pour cibles se côtoient au quotidien. Cette surpopulation carcérale engendre de ce fait des énormes problèmes d’hygiène, de manque d’eau et de nourriture. Et les nuits blanches rythment aussi la vie de ces prisonniers.

Lors d’une conférence de Presse, le président Duterte a exprimé : « Hitler a causé la mort d’un million de juifs pendant la guerre, je n’aurai aucun remord à tuer un million de drogués » Et au cours d’une autre, en juillet dernier, il a affirmé sa position en déclarant : « Je n’ai pas peur des préoccupations relatives aux droits de l’homme. Je ne permettrai pas que mon pays parte en vrille. […] Je partirai à la retraite avec la réputation d’Idi Amin Dada. » En référence à l’un des plus sanguinaires dictateurs africains, cet homme d’État ougandais, dont son régime causa la mort de 300 000 personnes dans les années 70.

Le président s’est donné 6 mois pour mettre un terme aux problèmes de drogue. Inutile de spécifier le résultat macabre qui risque d’être constaté au terme de ce délai.

Je vous invite à consulter ce reportage édifiant qui fait véritablement froid dans le dos.