
Légumineuse* ressemblant au haricot, qui est cultivée pour ses graines, lesquelles fournissent une huile alimentaire et un tourteau** employé avant tout dans l’alimentation animale.
Le germe de soja, jeune pousse émanant de la graine du mungo, consommé cru ou en salade.
Petite parenthèse historique
Le terme de « soya » est emprunt de l’anglais soy, lui-même inspiré du japonais. Le terme « soja » vient de l’allemand. Dans les communautés francophones de l’Amérique du Nord, le dérivé anglais a été adopté, alors que dans les pays francophones de l’Europe, la forme allemande a été privilégiée. Des chercheurs ont émis l’hypothèse que le haricot de soja était cultivé depuis 9 000 ans, mais aucunes fouilles archéologiques jusqu’alors n’ont permis de vérifier cette thèse. Il est supposé venir du centre ou du nord de la chine, éventuellement en Mandchourie.

– Les grains sacrés
Avec le riz, le blé, l’orge et le millet, le soja faisait partie des cinq grains sacrés qui donnèrent naissance à la civilisation chinoise et permirent son expansion, d’où des cérémonies somptueuses organisées par les divers empereurs durant les semailles. Au fil des siècles, les poètes ne cessèrent de vanter les mérites et les services du soja qu’il rendait à l’humanité. Entre le IIe siècle avant J.C. et le XVe ou XVIe après, le soja s’introduit dans la majeure partie des pays asiatiques (Japon, Indonésie, Philippines, Vietnam, Thaïlande, Malaisie, Birmanie, Népal et le nord de l’Inde) où de nombreuses variétés locales y sont sélectionnées. Il faut attendre la fin du XVIe siècle pour que le savoir culinaire du soja apparaisse en Occident ; les premiers voyageurs européens qui avaient parcouru ces pays n’avaient pas su faire le rapprochement entre le lait et le fromage qui s’y consommaient et les grains de la plante qu’ils avaient rapportée afin de la cultiver dans leur jardin botanique. C’est à la fin du XVIIIe siècle que pour la première fois le soja est cultivé par un fermier de Géorgie, en Amérique. Or, sa culture demeura marginale jusqu’à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, le soja est très largement utilisé en aliment pour le bétail, en substitut bon marché de la viande et dans de nombreux assemblages industriels comme le carburant, les plastiques, les adhésifs, la peinture, les encres d’imprimerie, les procédés de fermentation pour la production d’antibiotiques, les émulsifiants, etc. Dans le commerce, se distinguent des variétés à grains jaunes et à grains noirs ; ces derniers ont davantage de saveur et permettent des usages plus variés, mais les grains jaunes sont à préférer pour la fabrication du lait.
Vertus
Le soja est très riche en protéines végétales. Exempt de lactose, le lait de soja convient parfaitement aux personnes allergiques à ce sucre. Les protéines de soja procurent un effet bénéfique plus important sur la santé cardiovasculaire en général que les protéines animales. Leur action a été prouvée par leur consommation de 25 g par jour conjointement avec une alimentation faible en gras ; réduction des taux de lipides sanguins. Les recherches indiquent que la consommation quotidienne de 80 g à 160 g de produits de soja non fermentés peut contribuer à prévenir le cancer du sein et celui de la prostate.

– Les isoflavones
Elles sont une sous-famille des flavonoïdes (polyphénol, fréquent chez les plantes ayant un rôle d’antioxydant naturel et responsable de la couleur des fleurs et des fruits) très étudiées pour leurs propriétés œstrogènes***. Elles sont présentes chez toutes les plantes mais seules les légumineuses en comptent des quantités significatives ; des analyses sur de nombreuses espèces ont démontré que les plus hauts niveaux en isoflavones les plus courantes dans la nature se trouvent en majorité chez les légumineuses, dont la génistéine (alcaloïde du genêt à balais, du soja, des lupins, des fèves, etc.) et la daidzéine (composé organique du kudzu (racines) ou vigne japonaise (espèce de plante vivace, originaire d’Extrême-Orient, cultivée dans son aire d’origine pour ses racines livrant une fécule alimentaire), du soja, etc.) De nombreuses légumineuses ont été ainsi étudiées pour leur activité œstrogène, parmi lesquelles se retrouvent le soja, le haricot vert, les pousses de luzerne, le haricot mungo, la vigna unguiculata (espèce de plante d’origine tropicale, dont plusieurs sous-espèces sont cultivées comme plantes alimentaires pour leurs graines, proches des haricots, ou pour leurs gousses), les racines de kudzu ainsi que la fleur et la pousse du trèfle des prés (appelé aussi trèfle violet****). Les aliments hautement transformés à partir des légumineuses retiennent une grande quantité de leur teneur en isoflavones, tel que le tofu, à l’exception du miso fermenté qui lui en contient un niveau plus élevé.

– Les isoflavones du soja
Effets bénéfiques :
- Le fonctionnement du cœur.
- La souplesse du système sanguin. La génistéine, antioxydant principal du soja et faiblement œstrogène, a une forte capacité d’assouplir les vaisseaux sanguins (vasodilatation augmentée d’un facteur de 2 à 3 dans l’avant-bras après injection).
- Le maintien du capital osseux des femmes post-ménopausées.
Effets indésirables :
- Lors de nombreuses études, seuls des effets indésirables bénins ont été observés, cas de constipation, de ballonnements ou de nausées. Au cours d’un récent test effectué sur 30 femmes ménopausées en bonne santé ayant absorbé une très haute dose d’isoflavones (900 mg par jour pendant 84 jours), le même résultat a été constaté. Il a donc été certifié que cette haute dose n’a eu aucun effet œstrogène ou cancérigène.
- Certaines personnes allergiques au soja réagissent par des rougeurs et des démangeaisons, d’autres à tendance asthmatique déclenchent leur asthme en respirant la poussière de soja ou en étant en contact avec la gousse.
Il est fortement déconseillé aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 3 ans de consommer des suppléments d’isoflavones.
Une consommation journalière de 80mg d’isoflavones de soja sous forme d’extrait (supplément alimentaire) ou sous forme alimentaire classique peut prévenir de l’ostéoporose. Il est à noter que la forme alimentaire classique est à privilégier ; l’innocuité à long terme des extraits n’est pas connue.
Préparations

– Le kinako
Les grains doivent être mis à tremper durant 6 heures. Ils sont ensuite rôtis sur une plaque de four jusqu’à obtenir une belle couleur brune et dorée. Ils se consomment ainsi avec une pointe de sel.

– Les edamame
Ils sont une préparation de fèves immatures de soja (vertes), d’origine japonaise, se dégustant à l’apéritif en accompagnement avec de la bière. Ils se consomment aussi à Hawaï et en Corée. Ils sont cuits avec leur cosse quelques minutes dans l’eau bouillante.

– Lait de soja
Les grains sont simplement pressés après cuisson afin d’en extraire une substance laiteuse pouvant s’employer dans tous les plats qui requerraient normalement du lait de vache (pâtisseries, boissons frappées, sauces, flancs, soufflés, puddings, etc.). Les Japonais récupèrent la peau (yuba) qui s’est formée à la surface du lait après sa chauffe pour la consommer telle quelle ou l’utiliser pour l’enrobage des rouleaux de riz ou de légumes. Afin de récupérer le maximum de peau, il suffit d’utiliser une large casserole peu profonde, chauffer le lait, laisser refroidir 5 à 7 minutes (pour laisser le temps à la peau de se former), renouveler l’opération selon le besoin d’usage, prélever la peau avec une baguette glissée sous la surface et la suspendre pour l’égoutter.

– Le tofu
Il est obtenu par l’égouttage du lait produisant ainsi une sorte de fromage végétal n’ayant guère de saveur mais qui absorbe celle d’autres aliments ou condiments. Il s’ajoute aux soupes, aux salades, aux plats sautés et peut également se faire cuire au barbecue ou en grande friture. Le tofu ferme est employé pour les plats sautés ou les grillades, le moyennement ferme pour les soupes et le soyeux pour les crèmes ou puddings. Le tofu fermenté, très odorant comme tous les produits fermentés, est utilisé en petite quantité afin d’amener du piquant à un plat un peu fade. Il se trouve aussi sous la forme épicée, colorée avec des pigments naturels, aromatisée de vin rouge ou de vin de riz, etc.

Plat traditionnel japonais
- Couper huit cubes par pain de tofu.
- Faire mijoter les cubes quelques minutes dans quelques centimètres d’eau ou de bouillon (le tofu est prêt lorsqu’il remonte à la surface)
- Servir avec une sauce de soja accompagnée d’une algue de nori rôtie et déchirée en morceaux, des graines de sésames grillées, un oignon vert finement haché, du gingembre râpé et des flocons de bonite (poisson voisin de maquereau et du thon)
Sauces d’accompagnement et de dégustation
- Battre le tofu avec de l’huile et du vinaigre pour constituer une sorte de mayonnaise.
- Remplacer l’avocat par le tofu pour la préparation du guacamole.
- Passer le tofu au mélangeur avec du tahini (crème de sésame), un peu de miel, sauce de soja et vinaigre de riz. Sauce d’accompagnement pour les asperges ou les brocolis chauds, par exemple.
- Passer le tofu au mélangeur avec de la sauce de soja, du tahini, du jus de citron, de l’échalote et du piment doux. Sauce de dégustation pour les légumes crus à tremper dedans.
Plats végétariens d’été
- Tremper le tofu dans de l’eau glacée afin de le refroidir.
- Le servir avec de la sauce soja ou du miso, un morceau de racine de gingembre râpé, de l’ail finement pressé, des languettes d’algue de nori, du sel de sésame et des légumes râpés ou émincés (carottes, céleri, par exemple)
- Couper le tofu en tranches de 2 cm d’épaisseur.
- Passer ces tranches au gril pendant 3 minutes environ.
- Passer au mélangeur des feuilles d’épinard cuites, du tahini et du miso blanc.
- Étaler le mélange sur la surface des tranches et remettre au four 2 minutes.
- Garnir de fines lanières d’écorce de citron au moment de servir.
Tofu et œufs brouillés
- Émietter le tofu et le cuire dans une poêle avec des œufs battus en mélangeant grossièrement.
- Passer deux minutes à l’eau bouillante une julienne de carottes, des pois mange-tout et des tranches de shiitake, puis les incorporer à la préparation du tofu et des œufs.
- Assaisonner avec un peu de sauce soja.
- Servir chaud.

– Le miso
Réduit en purée, puis fermenté durant de longs mois avec ou sans céréale, le soja se transforme en miso, un incontournable de la cuisine japonaise. Il est surtout utilisé pour la préparation des soupes en étant dilué dans un bouillon à base d’algues ou comme sauce afin d’apporter de la saveur aux plats de légumes ou de tofu. Le bouillon de miso additionné de dés de tofu, d’oignon vert émincé, de fines tranches de shiitake et de gingembre râpé est d’ailleurs réputé pour son charme gustatif.

– La sauce soja
Fermenté avec ou sans céréale, puis mis en saumure, le soja fournit cette sauce unique dont nulle préparation asiatique ne serait se passer. Elle est jointe aux plats cuits ou est utilisée comme condiment à une marinade de gingembre, ciboulette, raifort ou wasabi, citron, citron vert, ou légumes émincés (daikon (radis blanc), navet blanc, par exemple). Elle complète également des vinaigrettes ou une sauce au yaourt servant de nappage au poisson.

– Le nattō
Les grains cuits ensemencés avec une bactérie spécifique au bout d’un jour ou deux permettent d’obtenir cette préparation dont la saveur s’apparente à celle du fromage bleu et la texture à celle de la mozzarella. Il s’ajoute au riz, à la soupe au miso, au tofu ou dans les omelettes. Il sert aussi comme produit de trempage ou ingrédient de la tempura (originaire du Portugal, cet assortiment de beignets très savoureux et très digestes est populaire au Japon depuis le XVIIe siècle)

– Le tempeh
Les grains de soja cuits sont ensemencés avec un autre type de bactérie et fermentés pendant 24 heures. Des galettes, des boulettes, etc. sont alors façonnées. En Occident, il est souvent présenté de manière à ressembler à des galettes de viande hachée ou des saucisses. Il peut s’ajouter au chili, aux sauces ou aux potages. Il se cuit à la poêle ou à la vapeur, grillé, sauté ou mariné.

– Les grains noirs
Les grains de soja suivent un processus de fermentation leur donnant une couleur prononcée pour être ensuite conservés dans du sel. Il peut s’agir du soja noir mais uniquement en fonction de la couleur résultant de la fermentation. Ils servent de condiment pour assaisonner les plats. Les cuisiniers en majorité recommandent de les faire tremper une demi-heure dans l’eau afin de les dessaler avant leur utilisation. En cuisine, seuls quelques grains émincés au préalable sont utilisés, notamment pour la préparation d’un mets à base de poisson avec lequel le mariage s’avère fort savoureux. Les grains de soja, comme ceux du haricot mungo, peuvent donc être mis à germer pour un emploi dans divers plats asiatiques. Les grains finement moulus donnent une farine pouvant contenir, selon les procédés de transformation, 12 % à 65 % de protéines, et dont la teneur en huile oscille entre 0,5 % et 24 % en fonction de sa résultante (entière, semi-dégraissée ou dégraissée). Cette farine sert à lier les sauces ou à confectionner des gâteaux, muffins et biscuits. Grâce à sa teneur élevée en protéines, la farine de soja est utilisée pour enrichir de nombreux aliments transformés.

Conservation
– Les grains secs se préservent 1 an au sec eu frais.
– La farine se stocke de préférence au réfrigérateur afin d’éviter qu’elle ne rancisse.
– Le soja frais se congèle dans sa cosse après avoir été blanchi au préalable 5 minutes dans l’eau bouillante, puis refroidi dans l’eau glacée. Bien assécher les gousses avec de les mettre à la congélation.
– Le lait, le tofu, le nattō et le tempeh se conservent 1 à 2 semaines au réfrigérateur.
– La sauce de soja, le miso, les haricots noirs fermentés se maintiennent 1 an au frais et au sec.

Définitions
*Légumineuse : plante dicotylédone dont le fruit est une gousse, exploitée comme légume (pois, haricot), fourrage (trèfle, luzerne), pour l’ornement (acacia) ou pour le bois (palissandre). [Les légumineuses forment un ordre.]
**Tourteau : résidu solide obtenu lors du traitement des grains et des fruits oléagineux en vue de l’extraction de l’huile. Les tourteaux, riches en protides et pour la plupart comestibles, sont principalement utilisés pour l’alimentation des animaux domestiques.
***Œstrogène (nom masculin et adjectif) : hormone sécrétée par l’ovaire, assurant la formation, le maintien et le fonctionnement des organes génitaux et des seins chez la femme.
****Le trèfle violet : plante fourragère utilisée pour l’amélioration des sols et comme engrais vert. Aussi plante médicinale riche en phytoestrogènes (groupe de composés non stéroïdiens produits naturellement par les plantes) employée contre les diarrhées, la toux, les éruptions cutanées chroniques. Une infusion de trèfle des prés est rafraîchissante ainsi que dépurative pour les yeux fatigués. Les graines peuvent être moulues pour obtenir de la farine ou laissées à germer pour un apport supplémentaire en vitamines.
WordPress:
J'aime chargement…