« Le patient de Londres »

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Douze ans après la guérison confirmée d’un malade du SIDA, surnommé « le patient de Berlin », un second cas de guérison serait avéré.

Appelé « le patient de Londres », l’individu a reçu à l’identique le traitement du premier et serait également définitivement débarrassé du VIH, virus responsable du SIDA.

Cette étude publiée dans le journal international de la science Nature a été présentée lors de la Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections à Seattle aux États-Unis.

Depuis 19 mois « le patient de Londres » n’aurait plus montré de signes d’infection, selon le Docteur Wensing, co-responsable de IciStem, un consortium de scientifiques européens étudiant la greffe de cellules souches pour traiter le VIH et avec le soutien de l’AMFAR, l’organisation américaine de recherche sur le SIDA. C’est le deuxième cas de rémission du VIH au monde.

Même si cette guérison est un espoir pour les 37 millions de personnes atteintes du VIH dans le monde, elle n’en reste pas moins atypique, comme la première. Car le type de VIH avec lequel ces deux individus ont été infectés utilise uniquement les récepteurs CCR5. « D’autres formes de virus utilisent d’autres portes d’entrées comme les CCR4. Tout dépend du type de virus contracté par l’individu », a précisé Bernard Lagane, chercheur à l’Inserm et spécialiste du VIH, au magazine Sciences et Avenir. « Le traitement ne fonctionnera que si quelqu’un a un virus qui n’utilise que le récepteur CCR5 comme porte d’entrée, ce qui est le cas de 50 % des gens qui vivent avec le VIH, voire moins », a aussi spécifié le docteur Timothy J. Henrich, spécialiste du Sida à l’Université de San Francisco en Californie, au New York Times.

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La plupart des personnes dotées de la mutation résistante au VIH, la mutation delta-32 dans CCR5, sont d’origine nord-européenne et ne représenteraient que 22 000 donneurs de ce type environ, selon la base de données de l’IciStem.

Les greffes de la moelle osseuse proviennent ainsi d’un donneur porteur d’une mutation de la protéine appelée CCR5, reposant à la surface de certaines cellules immunitaires. Le VIH utilise la protéine pour entrer dans ces cellules mais ne peut s’accrocher à la version mutée. Ces greffes étaient destinées à traiter les patients atteints du cancer, non du VIH. Les deux patients étaient d’ailleurs soignés pour le cancer.

« Le patient de Berlin » souffrant d’une leucémie a dû recevoir deux greffes de moelle osseuse après l’échec de la chimiothérapie. Des immunodépresseurs puissants, n’étant plus utilisés, lui ont été de même administrés. Suite à des complications sévères qu’il a endurées durant des mois, il a été plongé dans le coma artificiel et a failli mourir.

« Le patient de Londres » atteint d’un lymphome de Hodgkin n’a pas dû être soumis à cette procédure proche de la mort pour que le traitement fonctionne. Il a aussi reçu une greffe de moelle osseuse d’un donneur porteur de la mutation CCR5 en mai 2016 ainsi que des immunosuppresseurs. Or le traitement était beaucoup moins lourd, conformément aux normes en vigueur pour les patients transplantés. Il a cessé de prendre des anti-VIH en septembre 2017. Bien qu’il n’ait pas été autant malade que « le patient de Berlin » après la greffe, la méthode a conduit au même résultat. La greffe a détruit le cancer sans effets secondaires néfastes. Les cellules immunitaires greffées, maintenant résistantes au VIH, semblent avoir complètement remplacé ses cellules vulnérables.

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Les scientifiques du consortium ont analysé à plusieurs reprises son sang à la recherche de signes du virus. Ils ont décelé une indication faible de poursuite de l’infection dans l’un des 24 tests, mais ont déclaré que cela pouvait être le résultat d’une contamination de l’échantillon. Le test le plus sensible n’a trouvé aucun virus en circulation. Anticorps contre VIH étaient toujours présents dans son sang, mais leurs niveaux avaient diminué avec le temps, suivant un chemin semblable à celui observé chez « le patient de Berlin ».

La plupart des experts qui connaissent les détails s’accordent à dire que le nouveau cas semble être un remède légitime, mais certains mettent en cause sa pertinence pour le traitement du SIDA en général.

Une possibilité serait de développer des approches de thérapie génique pour éliminer le CCR5 sur les cellules immunitaires ou leurs anciennes cellules souches, selon le Dr Deeks de l’Université de San Francisco en Californie et d’autres. Résistantes au VIH, ces cellules modifiées devraient finir par éliminer le corps du virus.

En rappel, le CCR5 est la protéine que le scientifique chinois He Jiankui a prétendu avoir modifiée avec l’édition de gènes chez au moins deux enfants, dans le but de les rendre résistants au VIH. Une expérience qui a déclenché une condamnation internationale.

Des nombreux travaux se poursuivent sur des thérapies géniques mais n’ont pas encore abouti. La modification doit cibler le bon nombre de cellules au bon endroit, uniquement la moelle osseuse, et modifier seulement les gènes commandant la production de CCR5. Des équipes travaillent sur l’ensemble de ces obstacles. À terme, elles pourraient être en mesure de développer un système d’administration viral qui injecté dans l’organisme rechercherait tous les récepteurs CCR5 et les supprimerait, ou même une cellule souche de donneur résistante au VIH et pourrait être donnée à n’importe quel patient.

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Une mise en garde importante à l’égard d’une telle approche. Le patient serait toujours vulnérable à une forme de VIH, appelé X4, qui utilise une protéine différente, CXCR4, pour entrer dans les cellules.

Malgré un petit nombre de virus X4 contenu chez une personne, ils peuvent se multiplier en l’absence de concurrence de leurs cousins ​​viraux. Un cas a été signalé. Un individu transplanté d’un donneur de la mutation delta-32 qui a été touché plus tard par le virus X4. Par mesure de précaution contre X4, « le patient de Berlin » prend d’ailleurs une pilule quotidienne pour prévenir du HIV.

« Le patient de Berlin » espère que le traitement pour le « patient de Londres » sera aussi durable que le sien. « Si quelque chose est arrivé une fois dans la science médicale, cela peut arriver à nouveau. J’attendais de la compagnie depuis longtemps », a-t-il déclaré.

À ce jour, ces mêmes scientifiques suivent 38 personnes infectées par le VIH ayant reçu une greffe de moelle osseuse, dont six provenant de donneurs sans la mutation.

Mais du reste, la transplantation de moelle osseuse ne sera probablement pas une option de traitement réaliste dans un proche avenir.